2/ 2 En ma bergerie, Christine Guénanten
Du rythme et de belles correspondances se donnent libre cours dans ce recueil de Christine Guénanten, En ma bergerie, comme dans ce tercet tout en allitération :
"Feu ! Fagot ! Fumée !
Le feu fait des châteaux
Dans la cheminée"
Ou ces quelques vers bondissants :
« Ile de miel,
île de mots,
C’est le lilas
qui te réveille »
Et ceux-ci comme des caresses de vent sur les traces invisibles d’un oiseau qui se pose :
"Dis-moi la couleur de l'oiseau,
Celle des fleurs, celle de l'eau."
La poète invite et crée de nouveaux personnages qui se jouent des sonorités et de la lumière :
"ô lune lavandière" ; "lumière primevère", "en ma bergerie, je bourgeonne".
Un jeu allègre des sonorités parcourt le recueil, de page en page (quelques exemples) :
- « Losange orange, louange des couleurs »,
- « Un matin d’oiseaux nouveaux »,
- « Du vert, du vent, de l’amitié dans l’air »,
- « Ile de miel,
île de mots,
c’est le lilas
qui te réveille »
Belle et féconde intériorité que cette Bergerie (je ne suis pas étonné que le livre ait trouvé sa place aux éditions L'enfance des arbres) comme avec cette strophe magnifique, qui nous invite à demeurer dans la beauté des choses, à accueillir la grâce et à tâcher de garder, en soi, l’allégresse de l’instant :
« Si tu crois à l’enfance,
Veille à ne pas tomber
Dans l’oubli du regard.
Observer bien et garde l’or
Du jaune des genêts
Dans ta mémoire »
Dans ces quelques vers, les verbes « veille » et « garde » se fortifient l’un l’autre pour éviter la chute (« tombe ») et l’oubli. A hauteur du végétal, la poétesse invite à contempler la lumière chaude comme le bien le plus précieux (« or »), cette lumière qui semble venir des genêts et que nous avons à emporter avec nous, dans notre « mémoire ». Ainsi, nous pourrons être fidèle à « l’enfance », au renouveau, à l’étonnement, à la joie printanière, tout en allant chemin de vie.