avril 28, 2024

2/ 2  En ma bergerie, Christine Guénanten

 

Du rythme et de belles correspondances se donnent libre cours dans ce recueil de Christine Guénanten, En ma bergerie, comme dans ce tercet tout en allitération :

"Feu ! Fagot ! Fumée !

Le feu fait des châteaux

Dans la cheminée"

Ou ces quelques vers bondissants :

« Ile de miel,

 île de mots,

C’est le lilas

qui te réveille »

Et ceux-ci comme des caresses de vent sur les traces invisibles d’un oiseau qui se pose :

"Dis-moi la couleur de l'oiseau,

Celle des fleurs, celle de l'eau."

La poète invite et crée de nouveaux personnages qui se jouent des sonorités et de la lumière :

"ô lune lavandière" ; "lumière primevère", "en ma bergerie, je bourgeonne".

 

Un jeu allègre des sonorités parcourt le recueil, de page en page (quelques exemples) :

-          « Losange orange, louange des couleurs »,

-          « Un matin d’oiseaux nouveaux »,

-          « Du vert, du vent, de l’amitié dans l’air »,

 

-          « Ile de miel,

 île de mots,

c’est le lilas

qui te réveille »

 

Belle et féconde intériorité que cette Bergerie (je ne suis pas étonné que le livre ait trouvé sa place aux éditions L'enfance des arbres) comme avec cette strophe magnifique, qui nous invite à demeurer dans la beauté des choses, à accueillir la grâce et à tâcher de garder, en soi, l’allégresse de l’instant :

« Si tu crois à l’enfance,

Veille à ne pas tomber

Dans l’oubli du regard.

Observer bien et garde l’or

Du jaune des genêts

Dans ta mémoire »

Dans ces quelques vers, les verbes « veille » et « garde » se fortifient l’un l’autre pour éviter la chute (« tombe ») et l’oubli. A hauteur du végétal, la poétesse invite à contempler la lumière chaude comme le bien le plus précieux (« or »), cette lumière qui semble venir des genêts et que nous avons à emporter avec nous, dans notre « mémoire ». Ainsi, nous pourrons être fidèle à « l’enfance », au renouveau, à l’étonnement, à la joie printanière, tout en allant chemin de vie.

 

 

avril 21, 2024

 

 

Présentation de En ma bergerie de Christine Guénanten 

en deux articles

1/2

 "En ma bergerie", plus doux à l'oreille que "dans ma bergerie", est  l'expression souveraine d'une intériorité et pas seulement d'un intérieur. Ce titre suscite des images d'enfance, de douceur et de tendresse, de chaleur aussi. Il invite aussi à la responsabilité, celle du pasteur, du berger. Celle du veilleur. De fait, ce petit recueil tient la promesse de son titre : nous mettre en présence de l'Agneau.

La bergerie est cet espace en soi, ce refuge d'amour, de tendresse et d'éveil à la douceur.

 

"L'agneau est beau et doux de laine

L'Agneau sent la sainte crèche.

A le poser entre nos mains

On devient feu, folie d'amour".

 

Dès le premier poème du livre dont nous venons de lire le premier quatrain, l'Agneau, pourvu de sa majuscule, se laisse approcher et consent à la caresse. De lui exhale l’odeur chaude et originelle de la crèche, ce lieu saint sous l’étoile. Comme un souffle, dès lors, il commence à pénétrer le corps et l’esprit de l’humain qui l’étreint. Parvenu à cet instant de douceur, c'est l'Agneau qui nous transforme : "on devient feu », et cette ardeur à aimer est précisément une folie d'amour.

Cet Agneau, amour divin qui "saute bleu, saute blanc" comme un ciel de cumulus, habite en chacun "j'ai dans l'âme, dit la poétesse, un agneau". Et surtout, comme le dit le titre d’un poème, il saute « par-dessus les haies de la haine ».

 

Dès lors, le recueil ne s’interdit pas l’expression d’une félicité silencieuse, printanière, lumineuse et parfois outrancière :

« J’ai lumière de lait, lumière primevère

A promener au cœur d’une cité d’aveugles. »

 

Mais toujours, c’est l’Agneau qui irradie de sa Joie et qui donne vie :

« En ma bergerie, je bourgeonne » ; « J’ai dans l’âme un agneau ».

On sent un débordement contenu de vie qui parcourt les pages de ce recueil, comme dans ce tableau Mater Amabilis reproduit en fin d’ouvrage où une mère et son enfant portent un agneau placé entre leurs mains. Un silence règne dans la pièce, un instant est suspendu à l’éternité. « Regarde mon enfant cet agneau, tu portes sa laine sur ta peau. Dis-lui merci, aussi », semble dire la mère à son petit. Il y a là sacrifice d’amour. Comme le dit la poète :

« Par ces trois visages,

Agneau, mère, enfant,

L’amour protégé

Vit au béguinage ».

Christine Guénanten a raison aussi de nous dire que quand on regarde ce tableau, « le cœur est au chaud », invité, conclut-elle dans le poème qui s’en inspire, « à une poésie d’éternelle tendresse ».

 

Cette poésie est spiritualité étoilée ; bergère est la poésie qui accueille « tous les marcheurs inconnus ».

« Malades fous, perdus, exclus », tous trouveront refuge en la bergerie parce que, tout simplement :

« Allumons l’âme,

Il est temps de soigner par Ciel ».

 


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