octobre 24, 2024

 

Matins de tendre espérance, Lise (éditions L’enfance des arbres, 2017).

 

J’ai ce livre entre les mains et je l’ai à peine ouvert, une ou deux fois, pas davantage.

Je prends mon temps parce que je crois que je vais y trouver des trésors de présence et de vérité.

Je m’arrête donc – faites comme moi- sur le titre : Matins de tendre espérance.

 

Ce matin est au pluriel, il y a donc, après des nuits, des matins et ces matins sont la pâte d’une espérance toute particulière. C’est l’espérance douce des aurores, celle qui vient au point du jour, celle qui rappelle à la vie, qui nous rappelle la vie.

 « Matins de tendre espérance », ces quatre mois, à eux seuls racontent déjà une histoire. Ils sont liés entre eux comme la nuit est liée au jour par le crépuscule, cet imperceptible changement des lueurs qui s’opère à chaque seconde.

« Matins de tendre espérance », chaque mot visite son voisin, par ce jeu d’allitération et d’assonance. Ils vont déjà, main dans la main, sautillant par les vallées et les monts, ceux-là même qui illustrent, sous le brouillard matutinal, la couverture de ce recueil, œuvre de l’artiste Caroline Despres.

La poétesse nous écrit, dit-elle, « de la cellule de [sa] journée, à l’appui de la fenêtre où l’âme sautille prête à s’envoler ». Elle nous parle de « cette douce confiance souple comme les blés » et déjà la chant des oiseaux, déjà le souffle du vent s’invitent entre ces lignes.

 

Le livre de Lise, ce « prénom d’une nouvelle naissance », est dédié à ses parents (à ceux de Martine)  et la page de la dédicace est illustrer d’une petite plume déposée, comme un duvet d’oreiller, comme un frisson de nouveau-né ; cette plume est descendue du ciel « par-delà le voile de l’absence ».

Cette plume a parcouru le livre quand j’en ai tourné les pages et je la retrouve (P.47) :

« Oiseau reviens,

Une plume t’attend à l’appui de fenêtre

Elle s’est envolée lorsque je t’ai fait peur

En voulant te connaître ».

Lise a raison, il ne faut pas faire de bruit, connaître c’est aussi en apprenant à sauver que l’on y parvient, avec le cœur pour maître, « en l’humilité d’être ». Il faut lire, en pages 62 et 63, tout le plaisir qu’il y a à sauver une guêpes. Ce plaisir prend toute une journée, il y faut « une humilité qui ne courbe pas la tête », à quoi bon regarder ses pieds ? il faut une humilité, dit Lise, qui « lève la tête », qui redresse son regard à hauteur du tout petit de la vie.

 

J’ouvre à nouveau le livre et voici ce que je lis :

« Les oiseaux se trompent tout le temps, ils ne savent pas chanter,

C’est la Vie qui se plaît à s’écouter en leur ramage »

Quelle belle méditation que voilà et qui ne s’interdit pas ce brin d’amusement ; les oiseaux s’y reprennent à plusieurs fois, la poétesse a raison et la Vie, avec un grand V, elle, profite de ces pas de côté de ces apprentis chanteurs.

L’oiseau qui se trompe tout le temps est aussi celui qui ne cesse d’apprendre, celui qui éveille les « matins de tendre espérance ».

Tandis que « l’arbre s’endort dans les bras du vent », la journée passe, la journée a passé. La poétesse a passé des heures éternelles dans le ciel ; elle s’étonne, disons aussi qu’elle remercie : « le ciel n’a pas bougé d’un pouce sous mes pieds ».

 

J’ai fermé le livre, c’est assez pour aujourd’hui, j’ai eu mon repas, en si peu de mets, ce fut un festin.

Avant de continuer le pas de l’après-midi, une dernière fois, ma main tourne les pages et mes yeux sont curieux…  je lis ces deux premiers vers d’un poème qui sera, j’en suis sûr, mon préféré, et qui me font trembler d’émoi :

« Viens t’asseoir près de moi et pousse un peu la porte

De ce courant d’air froid qui grelotte en tes bras »

J’obéis, je m’assois et voici, je le sens ce courant d’air froid qui grelotte en moi. Pour entendre « le chant de l’inconnu », il me faut « raviver l’élan de cette flamme », en saisir l’instant sacré car il « ne sait que passer ».

 

J’appuie la main sur la dernière page du livre et je lis ces mots de l’éditeur, Jean Lavoué, « la mort ne fait plus peur. Elle est déjà vaincue par le Vie qui surgit dans l’instant même ; le Souffle d’une tendresse fraternelle ».

Ils sont là, sous mes doigts, les « matins de tendre espérance ». Merci !

 


 

  Matins de tendre espérance , Lise (éditions L’enfance des arbres, 2017).   J’ai ce livre entre les mains et je l’ai à peine ouvert...